jeudi 26 janvier 2012

Isaac Babel, fusillé le 27 janvier 1940 à Moscou.


Isaac Babel (en russe : Исаа́к Эммануи́лович Ба́бель) est un écrivain juif d’expression russe, né dans le ghetto juif d’Odessa le 13 juillet 1894, fusillé le 27 janvier 1940 à Moscou.


Isaac Babel est né dans une famille juive aisée d’Odessa. La ville connaît alors de fréquents pogroms. Il échappe à celui de 1905. Il fréquente l’école de commerce d’Odessa, tout en étudiant aussi parallèlement la religion juive. Il apprend ainsi à lire le yiddish et acquiert aussi une bonne maîtrise de la langue et de la littérature française. Flaubert et Maupassant sont les auteurs qui le marqueront le plus et ils auront une influence très forte sur son style littéraire. Pendant la Première Guerre mondiale, il se rend à Petrograd. En 1916, il y est remarqué par Maxime Gorki qui lui conseille d’abandonner quelque temps la littérature et « de courir le monde » pour engranger des impressions de la vie. Il soutient la Révolution russe puis s’engage dans l’Armée rouge en 1920.
Babel résume ainsi son activité pendant les premières années du régime soviétique : « Et, sept années durant, de 1917 à 1924, je suis entré dans le monde. Pendant ce temps, j’ai été soldat sur le front roumain, puis j’ai travaillé à la Tchéka, au Commissariat du peuple à l’éducation, j’ai pris part aux expéditions de réquisition de nourriture en 1918, aux combats de l’armée du Nord contre Youdénitch, à ceux de la Ière armée de cavalerie, j’ai participé au comité de province d’Odessa, j’ai été responsable de publication de la 7e typographie soviétique d’Odessa, j’ai travaillé comme reporter à Pétersbourg et à Tiflis, etc. Je n’ai appris qu’en 1923 à exprimer mes idées de façon claire et pas trop longue. C’est alors que je me suis remis à écrire »1.
Il est dénoncé en 1939 par Nikolaï Iejov, le chef du NKVD (dont la femme était l’ancienne maîtresse de Babel) pour avoir dénigré Staline en privé. Probablement torturé lors des huit mois de sa détention, il avouera « les crimes » retenus contre lui : trotskisme, espionnage au profit de la France et de l’Autriche — on l’accusera d’avoir été l’informateur d’André Malraux sur l’aviation soviétique2 — et pour ses liens avec la femme de « l’ennemi du peuple » Iejov. Babel est secrètement fusillé le 27 janvier 1940. Ses cendres reposent au monastère Donskoï de Moscou, dans la même fosse commune que celles de son dénonciateur Iéjov, fusillé peu de temps après lui.
Son œuvre est interdite jusqu’à la réhabilitation de l’écrivain en 1954, au moment de la déstalinisation. Les manuscrits saisis lors de son arrestation n’ont jamais été retrouvés.

Isaac Babel est l’auteur d’une série de nouvelles regroupées dans Cavalerie Rouge (Konarmiya), publié en 1926, récit sur sa participation, comme correspondant de guerre (sous le nom romancé de Lyoutov), à la campagne de Pologne dans la Première Armée de cavalerie de Boudienny en 1920, en pleine guerre civile. Il décrit des soldats courageux mais brutaux et incultes, dont le comportement rappelle celui des cosaques de l’ancien temps (ceux, par exemple, évoqués par Nicolas Gogol dans Tarass Boulba) et dont les convictions politiques sont assez floues. Les cavaliers de Babel sont capables de tuer pour la Révolution, mais ils n’ont que des notions assez vagues de ce que peut être le communisme. Ce portrait sans concession ne fut pas du goût de Boudienny qui ne cessa d’accuser Babel de salir ses hommes.
Le narrateur, qui n’est pas sûr de son identité, rencontre, dans la nouvelle intitulée Ghedali le juif du shtetl éponyme qui lui propose de participer à une « Internationale des gens de cœur ». « La révolution, nous lui dirons oui, mais faut-il que nous disions non au shabbat ? » lui-demande-t-il.
Babel est également l’auteur des Récits d’Odessa, écrits en 1927 et publiés en 1931, recueil de nouvelles décrivant avec ironie les petites gens, les bas-fonds et la pègre juive d’Odessa.
Selon Maurice Friedberg, il essaya toute sa vie de « concilier en lui le Juif mi-sentimental mi-cynique, émancipé depuis peu des commandements du judaïsme orthodoxe, et le communiste orthodoxe et rigoriste qu’il était devenu ».
Bibliographie

rongés / tentation de lire...


  • Cavalerie rouge (traduit du russe avec une introduction par Maurice Parijanine), Gallimard, 1959.
  • Cavalerie rouge, suivi des récits du cycle « Cavalerie rouge », des fragments du journal de 1920, des plans et esquisses (traduction, notes et étude de Jacques Catteau), Lausanne, L’Âge d’Homme, 1972. Disponible également au Seuil, collection Points, 1986.
  •  Détails sur le produit Cavalerie rouge (traduction Irène Markowicz et Cécile Térouanne) suivi de Journal de 1920 (traduction Wladimir Bérélovitch), Arles, Actes Sud, 1997 -  Les Chroniques de l'an 18 rassemblent de courts textes qui tous évoquent la situation de Pétrograd pendant les quelques mois d'état d'urgence de l'an 18, alors que la guerre civile faisait rage. Babel, observateur attentif et chroniqueur minutieux, rend compte, sans transformation aucune et sans avoir recours à la fiction, d'une réalité terrifiante. Et de souligner, dans l'un des récits, Premiers secours (qui évoque l'organisation - ou plutôt sa cruelle absence - de soins d'urgence pour les blessés), que " Chez nous, il n'y a rien, ni secours, ni urgence. Ce qu'il y a - c'est une ville de trois millions d'habitants, sous-alimentée, violemment ébranlée dans la base même de son existence. Il y a beaucoup de sang qui coule dans les rues et les maisons. " En russe, ces Chroniques n'existent que dans les oeuvres complètes, et c'est la première fois qu'elles sont publiées en tant que telles, et sous ce titre, en français.
  • Contes d’Odessa (traduit par A.Bloch et M.Minoustchine), Gallimard, 1967.
  •  Détails sur le produit Récits d’Odessa et autres récits (traduits du russe par Irène Markowicz et Cécile Térouanne, sous la direction d’André Markowicz), Arles, Actes Sud, 1996 -  " Aristocrates de la Moldavanka, ils étaient engoncés dans des gilets de couleur framboise, des vestes rousses tendaient leurs épaules et une peau couleur de l'azur du ciel craquelait sur leurs jambes épaisses. Dressés comme des i, le ventre proéminent, les bandits battaient le rythme de la musique, criaient " cul sec " et jetaient des fleurs à la mariée. Et elle, Dvoïra, la soeur de Bénia Krik, dit le Roi, elle avait quarante ans, un goitre protubérant et des yeux qui ressortaient de leurs orbites. " Autour de la figure de Bénia Krik, le " Roi " d'une pègre de gangsters, de charretiers, de contrebandiers, s'ordonne le petit monde du quartier juif de l'Odessa des bas-fonds que met en scène - comme un hommage à ses origines - Isaac Babel. Ici, pourtant, le petit juif persécuté de l'imagerie de son enfance devient - par le retournement de la fiction - le beau et fort roi des voleurs d'Odessa. Capable (dans le Roi, dont est extrait le passage ci-dessus) de marier sa soeur contrefaite, et même, en commanditant l'incendie du commissariat, capable d'empêcher que la cérémonie soit troublée... C'est bien une fresque baroque, colorée, grouillante de vie et pleine d'humour que dessine ce recueil.
  • Chroniques de l’an 18 (traduit du russe sous la direction d’André Markowicz), Actes Sud, 1996.
  •  Entre chien et loup adapté par Koukou Chanska et François Marié, "Marie" traduit par A. Bloch, théâtre NRF Théâtre du Monde entier 1970
  •  Détails sur le produit Œuvres complètes (traduit du russe par Sophie Benech), Paris, Le Bruit du temps, 2011, (ISBN 2358730343)3.

revue de presse

Isaac Babel sort du purgatoire

Par Emmanuel Hecht (L'Express), publié le 10/11/2011

Les oeuvres du grand écrivain russe Isaac Babel sont enfin réunies dans une nouvelle traduction soignée. Pour l'auteur de Cavalerie rouge, l'heure de la renaissance a sonné

Sous Staline, les écrivains mouraient deux fois: la première, face au peloton d'exécution (ou au goulag), la seconde, victimes de l'oubli. Isaac Babel (1894-1940), considéré comme l'un des plus grands écrivains russes du XXe siècle, gloire littéraire, au début des années 1920, pour Cavalerie Rouge - récit de la campagne de Pologne, qu'il suivit comme correspondant de guerre - et sesRécits d'Odessa, portés aux nues par Thomas Mann et parHermann Hesse, n'a pas échappé à ce destin. Arrêté au petit matin du 15 mai 1939 par les hommes du NKVD, accusé d'espionnage (au profit de Malraux!) et de "trotskisme", il dénonce sous la torture des amis proches, avant de se rétracter et d'être fusillé à l'âge de 45 ans. Ignoré dans son propre pays, méconnu en Occident, Babel sort des limbes depuis sa réhabilitation officielle, en 1954. Mais il faut attendre un demi-siècle (2006) avant que ses oeuvres complètes soient publiées en Russie. Cette édition, dirigée par Igor Soukhikh, est aujourd'hui traduite en français et présentée par Sophie Benech, dans un volume de plus de 1 000 pages que l'on doit à l'obstination d'Antoine Jaccottet, éditeur exigeant du Bruit du temps.  

Isaac Babel

1894 13 juillet, naissance, à Odessa. 
1911 Etudes commerciales. 
1915 Premiers reportages. 
1926 Publication de Cavalerie rouge
1931 Publication de Récits d'Odessa
1939 Arrestation, le 15 mai, de Babel dans sa datcha. Ses manuscrits sont confisqués. Interrogé et torturé, il est accusé d'activités antisoviétiques. 
1940 Condamné le 26 janvier, il est fusillé le lendemain. 
1954 Réhabilitation officielle. 
2006 Edition, en Russie, de ses oeuvres. 
Isaac Babel? Cet écrivain à l'écriture fulgurante ne donne pas facilement prise. Juif d'Odessa, la "Marseille russe", il se sent également russe dans l'âme. Intellectuel passionné de Flaubert et de Maupassant, ses maîtres - qu'il lit dans le texte - il est fasciné par la violence des Cosaques, des révolutionnaires et de la pègre de sa ville natale. D'une curiosité insatiable, ce démystificateur professionnel fréquente - de trop près? - les dirigeants bolcheviques et les membres de la police politique. Jamais il ne critique ouvertement le régime soviétique, mais jamais il ne le cautionne. Seule certitude: l'écriture est la passion, la "chose sacrée", dira Elias Canetti, de ce styliste amateur de canulars. Babel s'essaie à tous les genres: articles, théâtre, scénarios (pour Eisenstein), discours, portraits... Joueur patenté, amateur de mots tordus, de préfixes inventés, de tournures empruntées au yiddish, à l'ukrainien, au français - un calvaire doublé d'un plaisir pour les traducteurs! - il se présente en "galérien enchaîné pour sa vie entière à une rame", polissant et élaguant ses textes jusqu'à l'épure. Pour le plus grand bonheur de ses lecteurs anciens et, désormais, nouveaux. 
un merveilleux conteur ! prévu d'acheter les oeuvres complètes cette année...


2 commentaires:

  1. je n'ai pas compris où on s'inscrivait au challenge et de quelle littérature juive il s'agissait. peux-tu me renseigner?

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    1. en fait on peut s'inscrire en laissant un message sous n'importe quel article.

      En ce qui concerne les lectures :
      soit l'auteur est juif,
      soit l'histoire aborde un sujet sur les juifs
      ce peut être un roman, un essai, un documentaire, etc.

      Pas de limites, juste le plaisir de partager des lectures.

      Quel livre as-tu envie de partager ?

      pour les lectures communes, aucune obligation. Si tu veux en proposer, tu le dis et le choix se fait tous ensemble.

      bises

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